Bienveillance et compassion

Yoga-sutra

  • I.33 maitrī karuṇāmuditopekśaṇāṃ sukhaduḥkha puṇyāpuṇyaviṣayāṇāṃ bhāvanātah cittaprasādanam

L'appaisement (prasādanam) du mental (citta) s'installe (bhāvanātah) lorsque l'on pratique l'amour bienveillant (maitrī), la compassion (karuṇā), la joie altruiste (mudita), l'équanimité (upekśaṇāṃ) avec pour objets (viṣayāṇāṃ) le bonheur (sukha), la souffrance (duḥkha), la justesse (puṇya) ou l'erreur (āpuṇya).

Le yogin doit créer en lui la bienveillance à l'égard de tous les êtres vivants qui sont arrivés à l'état de jouissance d'un plaisir, la compassion à l'égard de ceux qui souffrent, la joie à l'égard de ceux dont la nature est méritante, l'équanimité à l'égard de ceux dont la conduite n'est pas méritoire. Chez celui qui ainsi crée ces états en lui, il apparaît une vertu limpide. Et grâce à cette vertu, son psychisme est rasséréné. Rasséréné, fixé sur un seul objet, il obtient une position stable – Vyâsa

La sérénité provient de l'attitude mentale d'amitié face au bonheur d'autrui, de compassion devant le malheur, de joie face à la vertu, de neutralité vis-à-vis de l'erreur – Bernard Bouanchaud

L'amitié, la compassion, la gaité, la neutralité clarifient et apaisent le mental ; ce comportement doit s'exercer indifféremment dans le bonheur et le malheur, vis-à-vis de ce qui nous fait du bien comme vis-à-vis de ce qui nous fait du mal – Françoise Mazet

Indifféremment dans le bonheur et le malheur, dans un environnement bienfaisant, comme dans un environnement hostile. Il est aisé de se sentir amical, compréhensif et gai fâce à une personnalité que l'on apprécie, à des idées ou à un comportement avec lesquels on se sent en accord. Cela devient très difficile si on se sent agressé, agacé et que l'on ne comprend pas la démarche ou la situation. C'est facile d'être ouvert quant on est heureux mais on a tendance à se fermer dès qu'on est mal. L'équanimité est recommandée pour garder son calme. Il va de soi que neutralité ne signifie nullement abandon des responsabilités. Agir, nous rapelle Patanjali, en accord avec la conscience profonde et non-agir, emporté par les modifications de la conscience périphérique.

Les quatre incommensurables

Les quatre incommensurables (wikipedia)

Les Quatre Incommensurables (sansk. : apramāna ; pali. : appamanna ; tib. : tshad med bzhi) aussi appelés brahmavihāra (pāli et sanskrit), les « demeures de Brahma » sont quatre sentiments ou « qualités morales » qui doivent être médités et développés (bhāvanā) dans le bouddhisme. Ils sont dits incommensurables ou illimités de par la portée de leur objet et de leur efficacité. Ils sont :

  • Maitrī (sanskrit) ou Mettā (pāli), la bienveillance, ou l'amour bienveillant, « souhait que tous les êtres trouvent le bonheur et les causes du bonheur » ;
  • Karuṇā (sa. et pa.), la compassion, « souhait que les êtres soient libérés de la souffrance et des causes de la souffrance » ;
  • Muditā (sa. et pa.), la joie sympathisante ou joie altruiste, « souhait que les êtres trouvent la joie exempte de souffrance » ;
  • Upekṣā (sa.) ou Upekkhā (pa.), l'équanimité ou le détachement, « souhait que les êtres demeurent égaux et en paix quels que soient les événements, bons ou mauvais, qu'ils soient libres de partialité, d'attachement et d'aversion ».

On retrouve également ces « quatre demeures de Brahma » dans la pensée hindoue. Ces pratiques méditatives de l'amour, de la compassion, de la joie sacrée et de l'équanimité sont communes à l'hindouisme, au jaïnisme et au bouddhisme, mais dans la « Voie du Bouddha », ces quatre pratiques prennent une dimension particulière à la charnière de l'éthique et de l'absorption méditative : ces quatre méditations ouvrent clairement vers l'infini et l'illimité. C'est pourquoi on les dit apramana, incommensurable ou illimité. Ces quatre incommensurables affaiblissent grandement l'attachement au petit moi enfermé sur lui-même et ouvre la conscience au monde dans son immensité ainsi qu'aux autres dans leur infinité.

La pratique de la bienveillance, compassion, … dans le Yoga-sutra

Ce qui introduit le I.33

  • I.30 vyādhi styāna saṃśaya pramāda alasya avirati bhrāntidarśana alabdhabhūmikatva anavasthitatvāni cittavikśepāh te antarāyāḥ

Les sources de distrations (viksepa) du mental (citta) sont : la maladie (vyādhi), l'intolérance (styāna), le doute (samsaya), la précipitation (pramada), l'abattement (ālasya), l'intempérance (avirati), le point de vue (darsana) éronné (bhrānti), le fait (tva) de n'avoir pas atteint (alabdha) la condition désirée (bhūmika), le fait (tva) de ne pas s'y maintenir (anavasthita) ; voilà (te) les obstacles (antarāyā)

  • I.31 duḥkha daurmanasya aṅgamejayatva śvāsapraśvāsh vikśepasahabhuvaḥ

Les symptomes (bhuva) accompagnant (saha) les distractions mentales (viksepa) sont : la souffrance (duḥkha), la malveillance (daurmanasya), le tremblement du corps (angamejayatva), l'expiration et l'inspiration (difficiles) (svāsaprasvāsa)

  • I.32 tad pratiṣedhārtham ekatattvābhyāsaḥ

Afin (ārtham) d'écarter (pratiṣedha) cela (tad, les obstacles), se recueillir (abhyāsaḥ) en vue d'un seul (eka) principe (tatva)

Les 7 ekatatva, 7 supports de méditations distincts

  • I.33 La bienveillance (maitrī), la compassion (karuṇā), la joie (mudita), l'équanimité (upekśaṇāṃ) …
  • I.34 L'expiration (pracchardana) et la rétention (vidhāraṇābhyāṃ) du souffle (prāṇasya)
  • I.35 Le développement (pravṛtti) de la maitrise (vat) sensorielle (viṣaya)
  • I.36 La lumière (jyotiṣmatī) qui guerrit (viśoka)
  • I.37 Un objet (viṣaya) libre (vīta) de passion (rāga)
  • I.38 La connaissance (jñāna) du sommeil (nidrā) et des rêves (svapna)
  • I.39 La méditation (dhyānā) selon (yathā) ce qui est agréable (abhimata)