Yoga et action

Yoga-sutra

kriyā-yoga : l'action du yoga

  • II.1 tapaḥ-svādhyāya-iśvara-pranidhāni-kriyā-yogaḥ

La pratique intense (tapaḥ), l'étude de soi (svādhyāya) et l'abandon à plus grand que soi (iśvara-pranidhāni) constituent l'action (kriyā) du yoga.

  • II.2 samādhi-bhāvana-arthaḥ kleśa-tanūkaraṇa-arthaḥ ca

Le but (artha) est de faire advenir (bhāvana) la concentration (samādhi) et de réaliser (karaṇa) la réduction (tanu) des causes de souffrance (kleśa)

kleṣā : les causes de souffrance

  • II.3 avidyā-asmitā-rāga-dveṣa-abhiniveśaḥ kleṣāḥ

Les cause de la souffrance (kleśa) sont l’ignorance (avidyā), l'ego (asmitā), l'avidité (rāga) et la peur (abhiniveśa).

kriyā : l'action purificatrice

  • II.36 satyapratiṣṭhāyāṃ kriyāphala aśrayatvam

Fermement établi (pratiṣṭhā) dans la vérité (satya), l'action (kriyā) porte des fruits (phala) appropriés.

samādhi : l'absorbtion totale de l'esprit

  • III.3 tadeva artha mātranirbhāsaṃ svarūpaśūnyam iva samādhiḥ

La contemplation (samādhi) est seulement cela (tadeva): le resplendissement (nirbhāsa) de l'objet (atha) uniquement (matra) comme si (iva) il était vide (śūnya) de forme propre (sva-rūpa).

īśvara

  • I.24 kleśakarmavipākāśayaiḥaparāmṛṣṭaḥ puruṣaviśeṣa īśvaraḥ

īśvaraḥ est un puruṣa spécial (viśeṣa), non limité (aparāmṛṣṭa) par les causes de souffrance (kleśa), l'action (karma), ses conséquences (vipāka) et ses retombées subtiles (āśaya).

karma-yoga, l'enchainement de l'action

karma-āśaya : le dépots d'actes antérieurs

  • II.12 kleśa-mūlaḥ karma-āśayo dṛṣṭa-adṛṣṭa-janma vedanīyaḥ

Les latences (āśaya) de l'action (karma) prenant racine (mūlaḥ) dans la cause de la souffrance (kleśa) sont expérimentées (vedanīya) dans la vie (janma) visible (dṛṣṭa) (présent) ou invisible (adṛṣṭa) (futur).

samskāra : les conditionnements

  • I.50 tajjaḥ saṃskāra anyasaṃskāra pratibandhī

L'empreinte de cette expérience est profonde et nous délivre d'anciens conditionnements

  • II.15 pariṇāma tāpa-saṃskāra-duḥkhaih guṇa-vṛtti-virodhā ca duḥkham eva sarvaṃ vivekinaḥ

Pour le sage, tout est douleur, parce que nous sommes soumis aux conflits nés de l'activité des gunas et à la douleur inhérente au changement, au malaise existentiel, au conditionnements du passé

  • III.9 vyutthāna-nirodha-saṁskārayoḥ abhibhava-prādurbhāvau nirodhakṣaṇa cittānvayo nirodha-pariṇāmaḥ

Nirodha Parinama, ou étape de la suspension, ou mutation de l'attention, se produit ou non selon qu'apparaissent ou s'apaisent les conditionnements que nous lègue notre passé.

  • III.18 saṁskāra-sākṣātkaraṇāt pūrva-jāti-jñānam

Par la vision claire des imprégnations latente en nous, on a la connaissance des vies antérieures.

vipāka : la maturation de l'acte

  • I.24 kleśakarmavipākāśayaiḥaparāmṛṣṭaḥ puruṣaviśeṣa īśvaraḥ

īśvaraḥ est un puruṣa spécial (viśeṣa), non limité (aparāmṛṣṭa) par les causes de souffrance (kleśa), l'action (karma), ses conséquences (vipāka) et ses retombées subtiles (āśaya).

  • IV.8 tatat tad-vipâka anuguñânâm eva abhivyaktih vâsanânâm

En conséquence (tata), il y a manifestation (abhivyakti) des latences (vâsana) qui ne sont rien d'autre (eva) que des qualités substantielles (guna) venant (anu) des conséquences (vipâka) des actes lointains (tad). Leurs conséquences sont en relation directe avec les impressions passées qui les ont générées.

L'action du yogi

  • IV.7 karma asukla akrsñam yoginah trividham itaresâm

L'action (karma) du yogin n'est ni blanche (asukla) ni noire (akrsña), celle des autres (itara) est triple (trividha).

La Bhagavadgîtâ

“Se détacher des fruits de l'acte”, la doctrine épique de l’action, telle qu’elle est enseignée dans la Bagavadgîtâ, le chant du seigneur, c’est-à-dire du dieu Krsna. De quoi s'agit-il ? Une bataille entre cousins se prépare. Au guerrier Arjuna qui manifeste son désarroi devant le dilemme où il est placé, devoir tuer ses cousins, donc faire le mal, ou bien faire aussi le mal en s’abstenant de participer au combat, le dieu répond qu’il n’a pas la liberté de se retirer à l’écart, qu’il a donc le devoir de tuer, mais qu’il n’est pas condamné pour cela à commettre une mauvaise action s’il s’y engage en se détachant de tout but, de toute intention violente. En ce sens il s’agit bien d’apprendre à agir sans avoir égard au fruit (phala) de son acte, c’est à dire de façon purement désintéressée. Tuer est une obligation pour le guerrier qu’est Arjuna, et en cela il n’a pas le choix, de sorte qu’il lui revient de transformer cet acte en sacrifice, mais avec cette différence que le sacrifiant attend toujours un résultat de l’exécution du rite, au lieu que le combattant ne gagne rien dans la guerre, pas même le jardin céleste (svarga) dont parle le Veda. Agir sans attendre un fruit, telle est la seconde façon de concevoir l’action en dehors de la pensée sacrificielle du Veda. (Marc Ballanfat)

karma-yoga, l'action désintéressée

  • II.47 karmaṇy-evādhikāras te mā phaleṣhu kadāchana mā karma-phala-hetur bhūr mā te saṅgo ’stvakarmaṇi

Ne te préoccupe que de l’acte, jamais de ses fruits. N’agit pas en vue des fruits de l’acte; ne te laisse pas non plus séduire par l’inaction.

  • II.48 yoga-sthaḥ kuru karmāṇi saṅgaṁ tyaktvā dhanañjaya siddhy-asiddhyoḥ samo bhūtvā samatvaṁ yoga uchyate

Exercé à l’ascèse, accomplis tes actes avec détachement. Qu’il te soit égal de réussir ou d’échouer. Avoir une âme égale est le propre de l’ascèse.

  • II.49 dūreṇa hy-avaraṁ karma buddhi-yogād dhanañjaya buddhau śharaṇam anvichchha kṛipaṇāḥ phala-hetavaḥ

Car l’acte est de loin inférieur à l’exercice de la conscience. En elle cherche refuge. Pitoyables sont ceux que le bénéfice motive.